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Photo du rédacteurOrnella Crépin

Le corbeau et les augures.

Le corbeau oiseau des ténèbres et du soleil est une figure paradoxale des anciens mythes chinois.

La légende dit que la Xīwángmǔ* 西王母 reine mère d'occident avait des corbeaux à trois pattes pour messagers et que ceux ci lui apportaient également sa nourriture.


Le corbeau à trois pattes, oiseau solaire :


Des pierres sculptées du temps des Han représentent un corbeau à trois pattes sān zú wū 三足乌au sein du soleil. Il serait donc le principe qui anime le soleil, voire même une représentation du yang, impair. Les trois pattes de ce corbeau, qui sont l'emblème des empereurs chinois, représentent le déroulement du cycle solaire sur une journée : lever, zénith et crépuscule.


Représentation de Xīhé, 19e siècle

Dans le Livre des monts et des mers Shanhaijing 山海經, l’oiseau, un corbeau, porte les soleils. Dans le Huainan Zi *淮南子 , un corbeau est niché à l’intérieur des soleils.





Chaque jour, l'un des oiseaux du soleil était inscrit pour voyager autour du monde sur une calèche conduite par Xīhé 羲和 mère de dix soleils .

Statue de la déesse Xīhé conducteur du soleil, tirée par un dragon, à Hangzhou

Le mythe du corbeau niché dans le soleil est donc très ancien mais ce n'est que sous les Han que cette image est explicitement dépeinte sur les fresques et dans la littérature.


Dans le Huáinánzǐ 淮南子*, le voyage du soleil et du char solaire est ainsi décrit :



Fúsång arbre cosmique

"Le soleil se lève de la vallée lumineuse, se baigne dans la piscine de Xian (咸) et se repose dans L' arbre Fúsång* . C'est ce qu'on appelle la lumière de l'aube.

En montant l'arbre Fúsång, il commence alors son voyage. C'est ce qu'on appelle la luminosité émergente

Lorsque le soleil atteint la pente courbée, cela s'appelle brillance de l'aube

Lorsque le soleil atteint la source fumante, cela s'appelle le repas du matin.

Lorsque le soleil atteint le champ de mûriers, cela s'appelle le repas de fin de matinée.

Quand le soleil atteint le Poutre d'Équilibre du Yang, cela s'appelle dans l'angle.

Lorsque le soleil atteint Kun Wu, cela s'appelle le centre exact.

Lorsque le soleil atteint le Perchoir de l''oiseau , cela s'appelle le moindre retour.

Lorsque le soleil atteint la vallée du chagrin, cela s'appelle l'heure du dîner.

Lorsque le soleil atteint la Séquence de la Femme, cela s'appelle le grand retour.

Lorsque le soleil atteint l'angle de l'abîme, cela s'appelle le pilon surélevé.

Lorsque le soleil atteint Pierre de transport , cela s'appelle le pilon descendant.

Lorsque le soleil atteint la fontaine du deuil, il s'arrête ; sa servante repose ses chevaux. C'est ce qu'on appelle le char suspendu.

Lorsque le soleil atteint l'abîme de l'anxiété, cela s'appelle crépuscule jaune.

Lorsque le soleil atteint la Vallée de l'Obscurité, cela s'appelle crépuscule Définitif.

Le soleil entre dans les eaux de crue de l'abîme de l'anxiété ; le lever du soleil émerge du ruisseau de drainage de la vallée de l'obscurité.

Le soleil parcourt les neuf continents, passant par sept lieux de repos, couvrant une distance de 507 309 li.

Les divisions de son voyage font l'aube, la lumière du jour, le crépuscule et la nuit."


Initialement, les 10 soleils traversaient le ciel un par un, mais un jour, les 10 soleils sortirent en même temps brûlant toute végétation et entraînant la famine dans le peuple.

l'archer Hou yi 后羿

L'archer Hòu Yì 后羿 fût chargé par le roi Yao de maîtriser les soleils. Hòu Yì essaya d'abord de raisonner les soleils, comme cela ne fonctionnait pas, il fit alors semblant de leur tirer dessus avec son arc pour les intimider. Les soleils refusèrent de tenir compte des avertissements de Hòu Yì qui pour finir leur tira dessus. Chaque soleil qui tombait se transformait en corbeaux à trois pattes. Le dernier soleil fût épargné pour la prospérité des hommes à la demande du roi Yao et de Xīhé .

Nombreuses sont les hiérophanies du soleil transmises par les traditions archaïques populaires orales et écrites des différentes cultures de la Chine.

Dans quelque tradition que ce soit, le héros solaire y est toujours présenté cumulant deux fonctions principales : par le lien qu’il noue avec le soleil, il devient le symbole cosmique de la fécondité et, par l’action qu’il peut exercer sur lui, il apparaît comme le détenteur du pouvoir suprême. Restaurer les forces solaires, renouveler le temps par le retour à l’origine et maintenir l’ordre du monde en pliant les forces de la nature à ses volontés, telles sont les actions du héros magicien, sauveur du monde, souvent confondu avec le souverain.


Le corbeau symbole à la fois de lumière et de ténèbres :

Le Chǔ Cí 楚辞 ou élégies de Chu, décrit les astres lunaire et solaire comme des êtres vivants, de feu, fondant les métaux, liquéfiant les rochers, avec chacun leur corbeau.

Il existe plusieurs témoignages iconographiques du mythe, dont celui de la bannière funéraire de Mawangdui, où apparaît un soleil rouge contenant un corbeau noir, avec, en opposé, la lune contenant le crapaud et le lièvre, et un arbre portant huit disques rouges.


Dans le mythe fondateur de la dynastie Shang, c'est un œuf de corbeau qui rendit enceinte la mère de l'ancêtre du clan. A l'origine de l'antique dynastie des Zhou, une flamme rouge descendit du ciel et, arrivée sur la demeure du futur roi Wu 吴王 , se transforma en corbeau rouge.

Ce corbeau était un signe favorable du ciel envoyé au souverain guerrier qui allait s'emparer du pouvoir des Shang.

Etant lié au soleil, le corbeau chinois est en rapport avec le feu, il donne au corbeau sa couleur : le rouge. De très anciens textes en font mention, tel ce passage du Zuozhuan 左傳 évoquant « un nuage ressemblant à un vol de corbeaux rouges se déployant de chaque côté du soleil ».Le corbeau rouge servit d'emblème aux Zhou pour renverser les Yin.

L'oiseau devient dès lors un signe de bon augure quand il croasse à l'est au soleil levant. Il apparait comme un « messager du Ciel ».

C'est un gage de richesse lorsqu'il vient faire son nid dans le voisinage.


Le croassement et les augures

Le cri du corbeau est interprété par les chamans pour connaître l'avenir, quand un corbeau croasse au sud, au nord ou à l'ouest, c'est généralement néfaste présa­geant des catastrophes ou l'annonce d'un décès.

Le corbeau est couleur de l'eau et du métal, il est rattaché symboliquement au Nord, non seulement parce qu'il y vit, mais aussi parce que c'est le lieu de la mort dans la croyance chinoise.

Ce rapport privilégié avec la mort est souligné dans les anciens mythes où le corbeau contribue à l'édification et à l'entretien des tombes. On raconte que les oiseaux sarclaient la terre du tumulus de Yu le Grand, fondateur de la dynastie des Xia.

Dès les Shang des urnes funéraires, représentaient un corbeau emportant dans son bec le corps du défunt.


Dans la tradition populaire le corbeau 乌鸦 (Wu Ya) est considéré en Chine comme un symbole de gratitude filiale, le corbeau partageant sa nourriture avec son groupe.


Le corbeau oiseau de légende niché dans le soleil, messager du ciel, médiateur entre la vie et la mort, annonciateur de bonnes ou mauvaises augures fait partie des mythes chinois les plus anciens.



* Xīwángmǔ 西王母

Xīwángmǔ est un personnage de la mythologie chinoise antique devenu sous la dynastie Han une divinité taoïste. Elle réside dans un palais de jade situé sur le Kunlun céleste, lieu magique où pousseraient les herbes d’immortalité et les pêches de longue vie qui mûrissent tous les 3000 ou 9000 ans. Chef des immortelles, toutes les femmes aspirant à obtenir le Dao sont considérées comme ses disciples.


* Huainanzi 淮南子

Le Huainanzi 淮南子 désigne un ensemble de vingt-et-un chapitres traitant de sujets divers, rédigés au IIe siècle av. J.C. sous les Han Occidentaux à l'initiative de Liú ān 刘安 (-179~-122), oncle de l'empereur Hàn Wǔdì 汉武帝 et roi de Huainan.


Fúsång 扶桑

Fú sång fait référence à plusieurs entités différentes dans la littérature chinoise ancienne, souvent soit un arbre mythique ou d' une terre mystérieuse à l'Est. Le terme est devenu plus tard un nom poétique du Japon .


* Houyi 后羿

Yi 羿 ou Pingyi 平羿 est un archer mythique de l'antiquité chinoise. Il est connu par de brefs passages de textes datant des Royaumes combattants aux Han, comme le Shanhaijing, le Huainanzi et le Mengzi.

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