L'art du feu a formé, pendant des millénaires, l'essentiel du savoir humain.
Dans la Chine Ancienne, toute campagne agricole était inaugurée par un incendie et par des travaux de défrichement car, selon l'antique technique, « on labourait par le feu et on sarclait par l'eau ».
La connaissance secrète des métallurgistes et leurs pouvoirs prodigieux et redoutables firent de ces hommes les maîtres du monde des esprits. Plus tard, ce modèle de métallurgiste fut repris et interprété à nouveau par les alchimistes taoïstes.
Shennong l'inventeur de l’agriculture était aussi un dieu du feu, et, à ce titre, particulièrement révéré par les forgerons.
La fabrication du bronze date de la fin du IIIe millénaire avant notre ère.
La forge magique et les chaudrons tripodes
La fonte des tripodes ou des fourneaux et l’exploitation progressive des métaux permettaient aux artisans métallurgistes d’acquérir un pouvoir exceptionnel.
Ceux-ci transmettaient non seulement leurs techniques ancestrales mais diffusaient également les mythologies, les rites et des mystères métallurgiques.
Les chaudrons tripodes, symbole du pouvoir
Les mines et les forges étaient étroitement associées à celui qui désirait obtenir le pouvoir.
Quelques figures de métallurgistes illustrent la relation étroite existant entre le pouvoir mystique du souverain d’une part et l’industrie des mines et de la métallurgie d’autre part : Huángdì 黃帝 l’Empereur Jaune recueillit le cuivre du mont Shou et fondit un trépied au pied du mont Jing. Lorsque le trépied fut achevé, un dragon à la barbe tombante descendit pour chercher le Souverain qui s’éleva alors vers le ciel.
Huáng Dì père de la civilisation chinoise est par ailleurs apparenté au dieu du Fourneau qui a pris des aspects variés selon les sources et les époques.
Yu le Grand 大禹 roi démiurge de la Chine antique forgea quant à lui neuf chaudrons tripodes Ding 鼎 grâce au bronze reçu des seigneurs des neuf États du Royaume Xia.
Le Shi Yi Ji (拾遺記), a dit en citant les Annales du printemps et de l’automne (春秋傳) : « Lorsque Yu a forgé les neuf chaudrons tripodes, cinq ont été faits pour correspondre à la loi du yang et quatre à la loi du yin. Il a demandé à ses artisans d’utiliser de l’or femelle pour faire les chaudrons yin et de l’or mâle pour les chaudrons yang. Les chaudrons étaient toujours pleins pour diviniser. Pendant le règne de Xia Jie, l’eau du chaudron a soudainement bouilli. À la fin de la dynastie Zhou, les neuf chaudrons tripodes ont tous tremblé : un présage de la fin de la dynastie. Les sages des générations suivantes ont suivi l’exemple de Yu le Grand et ont forgé les chaudrons de génération en génération ».
Les neuf États sont gravés en miniature sur les chaudrons tripodes . La concentration des neuf chaudrons dans la capitale de Xia symbolise la centralisation du pouvoir royal et l'unification du pays.
Les chaudrons tripodes et la spiritualité
Ces neuf chaudrons sont également un symbole du mandat céleste . Partout où se trouvaient les chaudrons, le pouvoir du roi était là, ainsi que le mandat du Ciel.
Les chaudrons se sont déplacés suivant la transmission du pouvoir du roi ou du changement de capitale. Tout au long des dynasties Xia, Shang et Zhou, les neuf chaudrons furent considérés comme des symboles de l’autorité suprême du monarque.
Les neuf chaudrons tripodes sont également liés à la vertu de chaque dynastie, à l’harmonie au sein de la société. À la fin de la dynastie Zhou (- 1045 à – 256), les neuf chaudrons disparurent, la vertu du monarque s’étant épuisée.
Les confréries de forgerons chinois, détenteurs du plus prestigieux des arts magiques, ont exercé une influence directe et profonde sur les premières conceptions alchimiques taoïstes, ( l’alchimie taoïste est pratiquée en Chine dès les Han occidentaux).
La quête de l’immortalité
L’immortalité ne va cesser d’être convoitée, et sa quête atteindre son apogée sous la dynastie des Han , avec une figure impériale majeure, celle de Hàn Wǔdì 汉武帝 .
L'immortalité est acquise à celui qui sait produire le « divin cinabre ». La fabrication des élixirs de longue vie est nommée liandanshu (煉丹術) « techniques de raffinement du cinabre », ou parfois xiandanshu (仙丹術) « techniques du cinabre d’immortalité »
Dans sa quête de l'immortalité, l'empereur Hàn Wǔdì s’était entouré de fāngshì 方士« maîtres des techniques » ou « experts en méthodes. Ceux-ci se réclamaient de Huáng Dì, l’Empereur Jaune vénéré comme déité du ciel, lié aux guildes de forgerons, les ancêtres des alchimistes, dont il deviendra d’ailleurs le patron.
Ces maîtres des techniques utilisaient, entre autres substances, le cinabre et l’or, pour élaborer drogues, breuvages et autres potions d’immortalité.
Wǔdì reçut les enseignements relatifs à la fabrication de l’or alchimique comme « art de prolonger la vie selon les pratiques de l’Empereur Jaune ». Pour ce faire, l’empereur dû « sacrifier au fourneau » afin de convoquer les êtres immortels. Le sacrifice au fourneau consistait en des cérémonies rituelles que l’empereur devait accomplir en certains lieux sacrés, à certaines périodes de l’année, conformément aux rythmes cosmiques et avaient valeur d’acte de gouvernement.
L’Elixir était aussi censé doter l’alchimiste d’un pouvoir tant sur le monde naturel que sur le monde invisible. Sa bonne réussite correspondait à un phénomène de bon augure : elle passait pour la réponse du Ciel.
On retrouve dans les pratiques alchimiques certains aspects religieux liés aux divinités, similaires à ceux des mythes des métallurgistes.
Absorber l’Elixir permettait de faire venir les esprits et les Immortels ; s’élever dans le ciel ; voler ; éviter les mauvais esprits, les armes et les malheurs ; guérir les maladies ; recouvrer la jeunesse .
Selon la tradition des alchimistes, leurs recettes sont à l’origine révélées par les divinités célestes. Avant l’opération des grandes recettes pour obtenir un élixir divin, l’alchimiste doit effectuer un rite d’oblation aux divinités qui sont à l’origine des recettes. Ces divinités viennent assister à l’opération à laquelle leur concours est indispensable. Sans leur assistance, l’adepte ne peut pas manipuler avec succès les essences (ou les esprits) des pierres et des métaux, parce que celles-ci, sensibles aux mauvaises influences des esprits malfaisants, sont vulnérables.
Des thèmes récurrents dans l’œuvre des métallurgistes et celle des alchimistes qui illustrent leur continuité:
L’arrivée des divinités
L’arrivée des divinités et la manifestation des êtres merveilleux constituent dans la Chine antique l’un des thèmes classiques de la consécration du trône par le Ciel. Selon les légendes, les êtres merveilleux se présentent à un chef digne du pouvoir.
De même qu’autour d’un seigneur vertueux s’assemblent des lettrés conseillers de valeur, ou que dans l’alliance féodale se réunissent des princes et des génies, on reçoit, selon l’alchimiste, après absorption des Elixirs, la visite des êtres divins, les shén 神. Celle des Filles de jade, qui viennent le servir, est la plus fréquente. Se présentent également les Immortels, les Hommes de jade, les Enfants de jade, les Ministres des monts, les Officiers des marais, les Génies du sol et des céréales, le Comte du vent, le Maître de la pluie, etc. Il arrive aussi que le Grand Un lui-même accueille l’alchimiste avec son Char de nuage et son Dragon cheval. Ainsi, la réussite d’un alchimiste à composer des Elixirs signifie qu’il est consacré par le Ciel.
L’ascension au ciel
L’ascension au ciel, à l’origine probablement liée à une tradition chamanique en Chine, constitue un thème taoïste relatif à l’immortalité. Dans les légendes, ce bonheur suprême est attribué aux métallurgistes comme l’Empereur Jaune.
De même, certains élixirs divins permettent à l’alchimiste de s’élever au ciel pour devenir un Immortel céleste.
Par ailleurs, il existe dans l’histoire officielle de la Chine un endroit commun aux métallurgistes et aux alchimistes. Il s’agit d’un bureau appelé Shangfang, un atelier impérial de la cour des Han, où l’on fabriquait des miroirs et des drogues magiques. Dès cette époque, les domaines métallurgique et pharmaco-thérapeutique étaient regroupés en un ministère ou une école.
le culte du fourneau*
Dans le Liji, "Livre des rites" datant des Royaumes combattants, le culte du fourneau* est mentionné et décrit comme absolument indispensable pour garantir la sécurité alimentaire.
Le dieu du fourneau est devenu peu à peu un ancien mortel divinisé. Il existe plusieurs versions de sa vie, mais depuis les Ming, toutes s’accordent au moins sur son nom de famille : Zhang 張 / 张 .
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