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Photo du rédacteurOrnella Crépin

Shítāo ou l'unique trait de pinceau

Shítāo (石涛, littéralement « Flots de pierre », 1642-1718), alias Zhu Ruo Ji (朱若极), aussi connu sous le nom de Dao Ji (道济), est l’un des plus grands peintres chinois du début de la dynastie Qing (清, 1644-1911). il est l’auteur d’une œuvre importante sur la théorie picturale : Les propos sur la peinture du moine Citrouille amère.


Shítāo est probablement l'un des peintres chinois les plus étudiés aujourd'hui, tant en Chine qu'à l'étranger.


Shítāo 石涛 Artiste peintre, calligraphe, poète, paysagiste, surnommé Moine Courge-amère, de son vrai nom Zhu Ruoji朱若极 est né dans la province du Guangxi en 1641 au sein de la famille impériale Ming. En 1643, les rebelles mandchous prennent Pékin et instaurent la dynastie Ming. Zhu Ruoji agé de deux ans est sauvé par un serviteur et placé comme novice dans un monastère bouddhiste sur le mont Xiang, près de Quanzhou dans la province du Fujian.

Il est initié à la pensée bouddhiste, et apprend la calligraphie. Adolescent il découvre la peinture chinoise.

En 1651, il quitte le monastère et entame une vie d'errance. Après de nombreux voyages, il trouve refuge (jusqu’à sa mort en 1718) dans la ville prospère de Yanghzou où de riches mécènes, négociants de sel et de riz, accueillent dans leurs villas et jardins paysagers de nombreux artistes et intellectuels dont un groupe de peintres surnommé «les huit excentriques de Yangzhou 扬州八怪 yángzhōu bāguài» * qui va inspirer Shítāo.


Ainsi Shítāo va se défaire de tous les académismes, de toutes les conventions esthétiques pour accéder dans l'oubli de soi à la suprême simplicité.

"En ce qui concerne la réceptivité et la connaissance, c'est la réceptivité qui précède et la connaissance qui suit… La peinture résulte de la réception de l'encre ; l'encre de la réception du pinceau ; le pinceau, de la réception de la main ; la main, de la réception de l'esprit : tout comme dans le processus qui fait que le Ciel engendre ce que la Terre ensuite accomplit, ainsi tout est fruit d'une réception." Shitao


Suivant une composition antérieure de 沈周 Chén Zhōu), Shítāo reproduit dans sa peinture le processus cosmique de la création. Encre sur papier Vers 1700

Souvenirs de la rivière Qinhuai

Pour Shítāo , le mouvement agile et fluide du pinceau s’apparente au souffle créateur .

"Quand le poignet est animé par l'esprit, fleuves et montagnes livrent leur âme"

Extrait de "Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère " Traduction de Pierre Ryckmans

Excursion à la grotte de Zhang Gong
Vers 1710 Shítāo écrit un texte court et dense "Propos sur la peinture du moine Citrouille-Amère"
La Cascade de Mingxianquan et le mont Hutouyan, Rouleau vertical suspendu, encre et couleurs sur papier, 20 × 26 cm. (Sumitomo Collection), Kyoto.

Ce traité à la fois technique et philosophique constitue une des expressions les plus hautes et les plus complètes de l'esthétique chinoise.

Cet ouvrage fait référence dans l'histoire de la peinture chinoise et occidentale. Shitao a inventé par le pinceau une conception totalement « moderne » du geste de peindre.


Le livre de Shítāo commence ainsi :

L'unique trait de pinceau

"Dans la plus haute Antiquité. il n'y avait pas de règles ; la Suprème Simplicité ne s'était pas encore divisée.

Dès que la Supréme Simplicité se divise, la règle s'établit

Sur quoi se fonde la règle ? La règle se fonde sur l' Unique Trait de Pinceau . L'Unique Trait de Pinceau est l'origine de toutes Choses, la racine de tous les phénomènes ; sa fonction est manifeste pour l'esprit, et cachée en l'homme, mais Ie vulgaire l'ignore.

C'est par soi-même que l'on doit établir la règle de l'Unique Trait de Pinceau.."

Traduction de Pierre Ryckmans


Le processus cosmique de la création

L’Unique Trait de Pinceau renvoie au "Un" du taoïsme, qui précède tous les phénomènes et dont les métamorphoses, les divisions et combinaisons successives conduiraient à la complexité du monde. Il est en cela la clé de toute création. "Le premier coup de pinceau tracé sur le papier incitent les autres. Du moment que l’on a saisi l’unique principe, la multitude des principes particuliers se déduira d’elle-même."


Pierre Ryckmans note dans son livre "Shitao, Les Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère" que si le trait simple est "le premier exercice de l’enfant qui apprend à écrire, du novice qui apprend à peindre, il constitue aussi l’ultime pierre de touche de la maîtrise d’un peintre ou d’un calligraphe accompli." Ainsi, "un seul trait de pinceau suffit pour révéler la main d’un maître."


" (...) Ne cherchez pas Shitao le long du fleuve, ni sur la route de Pékin ou de Nankin, chuchote ici chaque trait de pinceau. Son corps feint d'habiter ce monde, mais loge en vérité sur le papier - le papier qui attend de boire l'encre. Ce que dit, mieux que tout, ce petit poème inscrit dans une marge : Sous le pinceau, fragrances des Monts et des Eaux, Couleurs des arbres fondues dans la brume lointaine. L'homme s'est endormi dans la chaumière décrépie, Son cœur erre parmi les nuages ; au cœur du tableau." François Cheng

*Les Huit Excentriques de Yangzhou 扬州八怪 sont un groupe de huit peintres connus dans la dynastie Qing pour rejeter les idées traditionnelles sur la peinture au profit d'un style jugé expressif et individualiste.

Les Huit Excentriques ont eu une profonde influence sur la peinture chinoise.


Pour en savoir plus

  • Shitao, Les Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère, traduction et commentaire de Pierre Ryckmans, Paris, Hermann, 1984.

  • François Cheng, Shitao, la saveur du monde,ed Phébus, 1998.

  • Retrouvez sur ce blog dans la vidéothèque Shitao ou l'unique trait de pinceau, émisson Pallettes (Arte)



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