Les Chinois ont raconté leur rapport à l’eau à travers la mythologie.
Dans l’Antiquité, les Chinois croyaient en des divinités des fleuves ou des rivières.
Gòng Gōng 共工 dieu de l' eau représenté comme ayant une tête humaine et le corps d'un serpent est un dieu destructeur, responsable de catastrophes cosmiques et de nombreuses inondations shuǐ zāi 水灾.
Ainsi, dans un de ses accès de rage, il se fracassa la tête contre le mont buzhou, Bùzhōu Shān* 不周山 et endommagea l’un des huit piliers soutenant le ciel, provoquant ainsi une inclinaison du ciel vers le nord-ouest et un déplacement de la terre vers le sud- est.
La déesse Nuwa coupa alors les pattes de la tortue géante Ao et les utilisa pour remplacer le pilier tombé, mettant fin aux inondations. Nuwa était cependant incapable de corriger complètement l’inclinaison de Ciel et de la Terre et de modifier les effets sur les astres, les fleuves et les rivières.
Hebo 河伯 Seigneur de la rivière comte du Fleuve Jaune Huang He fut alors mandaté par l’empereur de Jade pour dessiner le fleuve et le maitriser.
Hebo est décrit comme monté sur un char d’eau tiré par deux dragons à travers les nuages, dans toutes les directions. Il est considéré comme bienveillant, mais aussi gourmand, imprévisible, et dangereusement destructeur.
“Hebo se rendit d'abord dans sa ville natale et voulut demander de l'aide aux villageois. Les villageois le détestaient tous parce qu'il était paresseux, et personne ne lui répondit. Il trouva enfin un vieil homme dans le village et lui parla de son ambition de gérer le fleuve Jaune. Quand ils se séparèrent, le vieil homme ordonna à He Bo de faire le travail jusqu'au bout, de ne pas abandonner à mi-chemin et de commencer à gérer le fleuve Jaune après en avoir fait le dessin.
Au moment où He Bo a enfin dessiné la rivière, il est vieux et fragile. (…)
Je ne peux que soupirer de ne pas avoir la force de gouverner le fleuve Jaune selon le plan, et j'en suis très triste.(...) Il y aura un jour quelqu'un qui pourra gérer le fleuve Jaune .”
Hebo fournira finalement la carte du Fleuve Jaune à Yu le grand 大禹 et contribuera ainsi à mettre fin à la Crue des hautes eaux大洪水.
On dédia un culte à Hebo, culte qui se confond avec celui du fleuve et fut l’objet de sacrifices humains; des jeunes femmes, destinées à devenir les épouses du dieu furent noyées dans le fleuve.
Origine
Une grande partie de la mythologie chinoise trouve son origine dans les royaumes du sud de Chu 楚, de Wu 吳 et de Yue 越. Dans les régions riches en eau de la région du Yangtze, la prévention des inondations était une tâche cruciale pour la survie des communautés. C'est ici que les mythes des contrôleurs de l'eau Gǔn 鯀, Gòng Gōng 共工, Yu le Grand 大禹 dà yǔ et Shùn 舜 ont trouvé leur origine.
Trop d’eau ou pas assez
Depuis toujours les chinois ont dû faire face aux à de nombreuses inondations et problèmes de sécheresse . L’impétueux fleuve jaune 浩浩荡荡的黄河 , dont le lit se déplaçait sur des centaines de kilomètres de distance ou rompait les digues ainsi que le Yangtsé inondaient régulièrement les plaines centrales.
La légende de Yu le grand qui dompte les eaux 大禹治水 dàyǔzhìshuǐ raconte l’histoire de ce combat des Chinois contre les inondations du fleuve Jaune.
C’est certainement de là que vient cette habitude chinoise de changer le cours des fleuves et des rivières, de construire des digues et des barrages et de creuser des canaux .
Le premier barrage au monde fut construit au Sichuan à Dujiangyan il y a 2 200 ans et classé par l’UNESCO. Il fonctionne sans interruption depuis sa création, et continue de se développer.
Le Grand Canal 大运河 dàyùnhé dont la construction a débuté il y a 1 400 ans est le plus grand du monde.
Le barrage des Trois Gorges 三峡大坝 sānxiádàbà dont la construction s’est achevée en 2006 fait partie également de ces grands travaux.
Le leitmotiv de réguler les cours d’eau est omniprésent dans l’histoire chinoise.
L'eau, la vie
Si la maîtrise des fleuves est difficile, l’eau symbolise néanmoins dans la pensée chinoise, la vie potentielle, le Yin dans lequel germe le Yang, la fécondité. Mais l'eau est aussi symbole de la transition.
L’eau met en liaison deux mondes et marque toujours la frontière entre le monde séculier et celui des Immortels.
La figure de Qin Gao 琴高 illustre cette transition, ce passage. Qin Gao errait dans diverses régions depuis deux cents longues années, lorsqu'il entra un jour dans les eaux d'où il ressortit monté sur une carpe et devenu immortel.
Après s'être promené dans le monde de la rivière à dos de carpe, il enjoignit à ses disciples de ne jamais plus tuer de poisson.
Les animaux aquatiques tels le dragon, le poisson , la tortue ou le crapaud font partie de ce symbolisme de l'intermédiaire entre notre monde et celui des immortels.
Selon Lǐ Shízhēn* 李时珍 (1518-93), la carpe, le poisson par excellence sur lequel chevauche l'immortel pour se rendre dans la montagne divine, correspond au Yang dans le Yin.
Au moment de prêter serment avant de recevoir une recette secrète, l'alchimiste effectue un acte rituel qui consiste à lancer dans un courant d'eau l'offrande d'une statuette d'homme en or accompagnée d'une statuette de poisson en or - représentant le véhicule qui le conduit au monde des Immortels.
Le monde aquatique évoque la transformation et la vie potentielle. Dans les recettes alchimistes, le mercure et le plomb (symboliquement associés à l'eau) représentent ce qui renferme l’Essence virtuelle et la transfère en Essence réelle.
Si le monde des Immortels se trouve au pic sacré de l’Ouest, au Mont Kunlun, l’eau qui l’entoure parvient jusqu’au monde d’ici-bas par des rivières ou des eaux souterraines. Autrement dit, c’est à travers l’eau que l’accès à l’au-delà est possible.
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